Essais et mots en vrac

Quelques bouts de texte pour aider une amie à surmonter son arachnophobie.


- Bonjour, Dame Ottila!

Perché au sommet de la futaie je profitais d'un agréable bain de soleil lorsque j'avais aperçu La gracieuse Ottila préparer sa toile. Ses longues pattes habiles l'avaient amené presque aussi haut que moi.

- Enchantée de vous revoir mon cher Morcus, me susurra-t-elle. Je vois que vous ne manquez pas d'énergie pour profiter du soleil.

Je me frottais les yeux de plaisir sous le compliment. De nombreuses araignées de la colonie ne s'étaient pas données la peine de monter à la chaleur matinale. La chasse de cette nuit avait été fructueuse et de nombreux rampant appétissants avaient été capturés. Tout le monde se surveillait pour ne pas qu'il y ait du vol de déjeuner.

- il faut croire que je n'ai pas assez faim pour perdre ma journée dans la pénombre, ma chère.

Les crochets d'Ottila claquèrent délicatement l'un contre l'autre.

- Vous êtes vraiment adorable, mon brave. Aurais-je un jour l'honneur d'être la mère de vos enfants ?

Ottila était peut-être une dame d'un certain âge, mais elle savait reconnaître les mâles qui avaient de la classe. J'appréciais un instant le galbe de son abdomen luisant. Brusquement un frémissement de frayeur me traversa. Durant un instant je l'avait trouvé séduisante. Et j'aurais pu me laisser aller à la rejoindre sur sa toile. Ca aurait été probablement la fin de mon existence. Les araignées de l'âge d'Ottila ne sont pas femelles à se laisser embêter longtemps avec un amant.

- Je vous remercie aussi pour ce compliment, fis-je en vérifiant qu'elle ne s'était pas trop rapprochée de moi. Avez-vous eut des nouvelles de Fabocur récemment ?

Fabocur était le dernier compagnon en date d'Ottila. Cela faisait un moment que je n'avait eut le loisir de revoir cet agréable compère, si talentueux dans le jeux à vingt-quatre cordes.

Elle se frotta les yeux, manifestement agacée.

- Je ne l'ai pas vu depuis un moment, cet énergumène, la douce musique de sa toile vibrant au vent me manque !

La matriarche n'avait pas pour habitude de râler. Et j'aimais à croire que les araignées ne mentaient qu'aux elfes. Je décidais donc de lui accorder le bénéfice du doute. En outre Fabocur était coutumier du fait.

- Aimeriez-vous que nous allions le chercher ma chère ?

Ottila cligna trois fois des yeux sous le plaisir de ma proposition.

- Ce sera une promenade fort agréable j'en suis sûre !

Nous descendîmes dans la futaie inférieure où il faisait bien plus sombre, presque noir tant nous avions tissé de toiles superposées et entremêlées ces derniers temps. Les branches vermoulues ployaient sous notre poids et je me fit la réflexion qu'il serait bientôt temps de scinder la colonie.

Nous descendîmes encore et le chuintement rassurant des conversations arachnides nous entourait. Je devinais qu'un débat faisait rage autour des prises de la nuit.

Otus, mon camarade de chasse préféré, se balançait sur son fil au milieu de la colonie. Il était en train de justifier la nuit agitée que nous avions fait vivre aux autre.

- La lutte a été chaude, mais elle en valait la peine. Quelle vilaine peau épaisse ils ont ! Mais je gage qu’il y a du bon jus à l’intérieur.

Comme d'habitude il y avait quantité d'araignées qui étaient trop pressées de manger. Les paquets que nous avions soigneusement emballé bougeaient encore et il n'était pas encore l'heure. Il fallait calmer les plus affamées pour éviter un gâchis de viande.

- Oui, ils feront un excellent mets après quelque temps de mortification, rappelais-je à la cantonade.

Des claquements de crochets contrariés accueillirent ma remarque.

- Ne les laissez pas faisander trop longtemps, râla Niala la Grosse. Ils ne sont pas aussi gras qu’ils le devraient. Ils n’ont pas dû être trop bien nourris ces derniers temps.

- Il faut les tuer, moi je dis, siffla Ottila à coté de moi ; Tuez-les tout de suite, et suspendez-les morts pendant quelque temps.

Agacé, je la menaçait avec mon dard pour qu'elle se taise. Je lui indiquait la direction de la rivière et nous laissâmes Otus se débrouiller avec l'assemblée de goulues impatientes.

Notre avancée fut rendue laborieuse par la déplaisante habitude d'Ottila de toujours vouloir se mettre derrière moi. Elle se justifia en prétextant que c'était moi qui devait indiquer le chemin. Nous eûmes un long échange agaçant avant d'opter pour une formation en ligne.

Nous nous sommes mis à sauter de troncs en troncs. Ce n'était pas l'heure pour les elfes et nous ne craignions aucun autre prédateur.

Il y avait un bruit de bagarre inhabituel qui montais du coté de la colonie mais occupé comme je l'étais à retrouver la trace du nid de Fabocur je ne m'en préoccupais guère.

L'une ou l'autre de nos sœurs avait dut céder à la tentation et attaqué le déjeuner. Otus avait dut en piquer une ou deux pour calmer leurs ardeurs. Je lui faisait confiance pour faire respecter nos trophées.

- Morcus ! Venez voir !

Ottisa avait gémit de facon si alarmante que je me précipitais à terre pour la rejoindre. Je la trouvait trous crocs sortis faisant face à la dépouille du malheureux

Fabocur. Je ne put retenir un juron.

- Attercop ! Qu'est-il arrivé à ce nigaud !?

Nous inspectâmes soigneusement les environs sans trouver trace du meurtrier. Nous ne tardâmes pas à trouver un indice troublant. Un cocon de capture encore souple gisait à terre.

Je me frottais les yeux plusieurs fois de surprise. Brusquement je senti qu'Ottila faisait un mouvement brusque. Par un réflexe de survie acquis de longue date je fis un bond de coté qui me sauva la vie. Le dard d'Ottila m'avait manqué de peu.

- Vile gourmande ! Vous m'avez attiré dans un traquenard ! Lui lancais-je en remontant rapidement à un arbre.

Rageant de m'avoir manqué Ottila grinca des crocs. Elle tenta de se trouver une excuse.

- Le stress m'a troublé. Vous savez bien que je vous estime beaucoup trop pour vous dévorer !

Je me gardais bien de répondre à cet argument douteux. Ottila n'avait pas certainement pas dépassé les cent ans sans avoir mieux appris à se contrôler. Elle

tenta de détourner mon attention.

- Voyez la taille de ce cocon, grinca-t-elle. C'est impossible que cet animal se soit échappé des griffes de notre ami !

La matriarche tourna plusieurs fois autour des débris du piège puis en fin gourmet, commença à s'intéresser au corps. Je m'approchais prudemment du cocon.

Celui-ci ne semblait pas avoir été terminé. Il n'en était même qu'à la moitié. Fabocur avait dut essayer de capturer une grosse créature qu’ils croyait endormie. Ce crétin avait toujours été un peu trop prétentieux et je devinai bien qu'il avait dut se dire qu'il pourrait réussir ce coup-là sans l'aide de personne.

Pourtant tout le monde savait qu'une telle capture était risquée et qu'il fallait au moins être trois pour maîtriser le gibier en cas de réveil intempestif.

En mangeant le cocon je ne manquais pas de remarquer que c'étaient des crocs très coupants qui avaient permis à la proie de s'échapper.

- Morcus !

Un peu refroidi par sa première tentative, je m'approchais prudemment de Ottila et des restes de Fabocur. Elle désigna une profonde entaille entre les yeux du cadavre.

-Voyez la taille du croc qui l'a tué !

Je me frottais deux fois les yeux.

- Et ce n'est pas tout, s'exclama-t-elle. Le pauvre a été transpercé en plein milieu du corps !

La deuxième marque était tout aussi profonde et nette que la première. Avisant les deux emplacements je ne pus que m'inquiéter.

- Fabocur semble avoir eut affaire à quelque chose de drôlement rapide et urticant semble-t-il.

Le doux rire chuintant d'Ottila détendit l'atmosphère tendue qui régnait entre nous.-

- Morcus, j'aime tant vos bons mots que je m'en voudrais toute ma vie si par malheur vous disparaissiez un jour par ma faute.

- Je vous en prie ma Dame, terminez donc votre goûter et nous repartirons alerter la Colonie qu'une bien dangereuse créature rôde dans la foret.

Elle ne m'avait pas invité à son banquet improvisé mais j'en pris tout de même une part généreuse. Fabocur n'était pas bien vieux et la chair était encore assez tendre.